Publié le 05 septembre 2007 dans le cadre de la campagne mouvement
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Article L141-1 du code de l’éducation :
« La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation, et à la culture; l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’Etat » (et aussi al. 3 du préambule de la Constitution de 1946).
Le 4 août 2007 a été votée la loi dite « Relative aux libertés et responsabilités des universités ». Si le constat d’une défaillance de l’Université, pour assurer sa mission d’enseignement de qualité, est clair pour tous, toute réforme n’en est pas pour autant bienvenue. Déjà refusée sur le fond à deux reprises (2003 et 2005), cette loi s’inscrit pleinement dans la logique des réformes libérales engagées depuis plusieurs années.
La réforme dite « LMD » (2002), sous couvert d’une harmonisation européenne des systèmes d’éducation, a en réalité enteriné une inégalité des diplômes.
La dernière loi sur la recherche (LOPRI, 2005) a en partie soumis la recherche aux investisseurs privés.
La loi d’autonomie, dernière étape de ce processus, introduit massivement les intérêts privés dans la gouvernance et le financement des universités. Il ne s’agit donc pas de « rupture » mais bien de continuité.
Cette loi, sous couvert d’une résolution miraculeuse de la double crise de l’Université et de l’emploi, a été élaborée en catimini et votée pendant l’été pour éviter toute contestation. Pourtant de nombreuses mises en garde ont été envoyées au gouvernement. Ainsi différentes institutions se sont prononcées contre cette réforme :
· Le CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur Et de la Recherche) du 22 juin 2007,
· 25 Conseils d’administration d’universités (dont Caen),
· De nombreuses organisations politiques, syndicales et associatives (ANDES, ATTAC, CFDT, CGT, FAGE, FCPE, FO, FSE, FSU, LDH, Les Verts, PC, PS, UNEF, UNL, UNSA, Sauvons la Recherche, SUD, Syndicat de la Magistrature...).
Il suffit de lire la loi pour être contre !
Pour une abrogation immédiate de la loi !
Tout comme pour l’adoption et l’acceptation du LMD, cette nouvelle réforme est censée améliorer le fonctionnement des universités françaises. Une simple loi, votée à la va-vite pendant l’été serait donc le remède miracle. Mais alors pourquoi n’avoir organiser aucune réelle concertation avec les acteurs des universités ?
Voici notre analyse de ce texte qui vous permettra de voir les enjeux réels de cette loi.
Démocratie bafouée :
Actuellement, l’administration des universités est composée de 3 conseils : le Conseil Scientifique (CS), et le Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire (CEVU) détiennent le pouvoir de proposition, le Conseil d’Administration (CA) détient le pouvoir décisionnel.
Désormais, le CS et le CEVU perdent toute initiative et seront simplement consultés, au profit d’un CA tout-puissant (Art. 8 et 9).
Dans ce contexte, la nouvelle composition du CA est d’autant plus problématique (Art. 7) :
La représentativité des personnalités extérieures, nommées par le Président de l’université, est augmentée au dépend des personnels IATOSS et des étudiants. De plus, le nombre de membres au CA est réduit de 2 à 3 fois, accentuant ainsi une centralisation du pouvoir au profit direct du Président. En bon chef d’entreprise, celui-ci pourra :
· Gérer la masse salariale : droit de véto sur les recrutements, attributions de primes, recrutement d’étudiants (sous-payés) pour des activités de tutorat et de service en bibliothèque, recrutement de contractuels pour toutes tâches ( Art. 19 et 22),
· Avoir une voix prépondérante lors d’une égalité de voix au CA (Art. 7).
Financements des universités : des inégalités croissantes...
Le bilan est clair, l’université n’a pas assez de moyens. En effet, depuis déjà de nombreuses années, l’Etat ne finance plus l’université à la hauteur de ses besoins : bâtiments hors normes d’incendie depuis 2000 à Caen, manque criant de personnels, manque d’amphis, de salles, d’ordinateurs et la liste est longue… De plus, ces budgets annuels, déjà largement insuffisants, ne sont versés dans les faits qu’à hauteur de 80 % dans la plupart des universités.
Voici les solutions proposées par le gouvernement :
· Transfert de la pleine propriété des locaux publics à l’université. Celle-ci pourra les vendre ou les louer (alors qu’ils sont déjà en nombre et en état insuffisant) (Art. 32 et 33).
· L’université doit se vendre auprès des entreprises privées : par manque de moyens, les universités cherchent de nouveaux modes de financement. L’un est l’investissement des entreprises (Art. 28). Bien sûr, celles-ci ne sont pas là pour faire de la charité : diminution du coût d’investissement dans les formations et la recherche, trouver de la main-d'œuvre formée spécifiquement à leurs propres besoins rendant dépendant le diplômé à l’entreprise... Les entreprises choisiront ainsi de financer les filières jugées utiles et rentables, accentuant ainsi les inégalités entre universités et entre filières. De plus, est à craindre une remise en cause de l’indépendance des cursus universitaires vis-à-vis des entreprises qui les financeront.
· Le dernier moyen : la hausse des frais d’inscription ! Celle-ci, censée « responsabiliser les étudiants », va surtout instaurer une inégalité sociale dans l’accessibilité aux études supérieures. Chaque année ces frais augmentent en moyenne de 5 % / an et au regard des pays voisins sont appelés à exploser : Portugal 850 €, Allemagne 1000 €, Angleterre 3900 €…. Rappelons qu’aujourd’hui l’université est le dernier lieu où l’on peut accéder aux études supérieures de manière plus ou moins abordable. Notre ancien Premier ministre n’est pas de cet avis : « Il faudra trouver d’autres sources de financement pour nos universités [...] La seule solution crédible […] repose sur une augmentation considérable des frais de scolarité » (Discours sur l’enseignement supérieur, fév. 2007, Dominique de Villepin).
Des conditions d’études et de travail au rabais :
Aujourd’hui le recrutement d’un Enseignant-chercheur s’effectue devant la « commission de spécialistes » de la filière concernée. La loi supprime ces différentes commissions pour créer un « comité de sélection », dont les membres, pour moitié au moins extérieurs à l’établissement, sont proposés par le Président de l’université et nommés par le CA. Ensuite le CA propose au ministre « une liste de candidats classés par ordre de préférence » (Art. 25). Enfin ce nouveau « Président tout puissant » possède un droit de veto absolu sur les recrutements. Quelles compétences ont une instance administrative et politique (le CA) et surtout le Président pour former ce comité théoriquement composé « en majorité de spécialistes de la discipline » ?
Ainsi, tout recrutement sera soumis au bon vouloir de quelques personnes, voire d’une seule, facilitant d’autant, en l’absence expresse de contrôle, le copinage et autres abus déjà en cours.
De plus, l’embauche de contractuels sera généralisée : « Le Président peut recruter pour une durée déterminée ou indéterminée des agents contractuels pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A [ou] pour assurer des fonctions d’enseignements ou de recherche » (Art. 19).
Pour le personnel technique et administratif, leurs conditions de travail n’en seront que plus précarisées (salaires plus bas, flexibilité augmentée) laissant un peu plus à l’abandon une université en ruine. Un service public de qualité passe par de bonnes conditions de travail des salariés.
Pour le personnel enseignant, une concurrence s’installera, où chacun devra négocier son salaire. Les moins bons et moins connus seront précarisés et certains grands pontes de l’enseignement seront privilégiés. L’inégalité dans la qualité de l’enseignement sera donc généralisée et institutionnalisée, mettant en place des facs de secondes zones et des facs d’excellences.
L’université devient une entreprise, les règles de gestion publique sont oubliées. Elle pourra embaucher quiconque sans minimum requis (de salaire ou de compétence) au détriment de la qualité de l’enseignement public.
Pour les étudiants, les conditions d’étude déplorables dans lesquelles nous vivons déjà ne doivent pas nous laisser accepter une loi qui, sous couvert d’une amélioration de ces conditions, ne fera qu’accentuer les inégalités.
Seule restera la loi du plus fort! Nous avons 6 mois pour nous battre !!!
Il est effectivement urgent de s’occuper de l’enseignement supérieur et de la recherche mis à mal depuis de trop nombreuses années par des politiques libérales. L’éducation et la recherche n’ont pas à plier devant les exigences du marché économique. De nombreuses réformes sont souhaitables, en voici quelques pistes de réflexions :
· Création d’une véritable politique financière comprenant un investissement public massif pour l’amélioration et l’entretien des bâtiments, une véritable politique de l’emploi répondant à la pénurie actuelle
· Création d’un véritable statut de Doctorant et ne plus lui attribuer cette place à cheval entre le chercheur et l’étudiant.
· Réappropriation du pouvoir par les acteurs de l’université et éviction des 3 représentants du MEDEF au CA.
Pour une université publique, gratuite et laïque !
Réengagement financier immédiat de l’Etat !
Abrogation immédiate de la loi relative
« aux libertés et responsabilités des universités » !